Régionalismes : Alsace-Belfort, des raisons de s’entendre

Parlez à un Haut-Rhinois de Belfort et et vous aurez droit en général à une remarque amusée, ironique ou condescendante. Le Belfortain le lui rendra bien en rappelant que sa ville, en 1870, a su résister à l’armée allemande, elle !
Belfortains et Haut-Rhinois partageraient pourtant, si l’on en croit l’Atlas du Français de nos régions, de Mathieu Avanzi, bien des régionalismes.

Atlas français régions couvPeut-être avez-vous suivi, il y a quelques semaines, le débat autour de la bonne dénomination du « petit pain au chocolat » (qui ne peut, bien sûr, être une « chocolatine ») ou du crayon à papier, de papier, gris, de bois ou crayon tout court. Des exemples illustrant les particularismes de nos régions françaises que le linguiste Mathieu Avanzi a eu la bonne idée de réunir dans son livre, Atlas du français de nos régions (en leur ajoutant la Suisse et la Belgique).
Cet ouvrage brosse au fil de ses cartes le portrait d’une France où l’usage du français est tout sauf uniforme. On y retrouve toutefois des façons communes de dénommer ou prononcer certains mots…
Clencher ou fermer une porte à clef
Ainsi, dans le Territoire de Belfort comme dans le Haut-Rhin (et une bonne partie du reste de la France d’ailleurs), nous fermons une porte à clef, alors que dans d’autres régions, on la barre, la clenche, la crouille ou la clave. La pomme de pin est une pomme de pin, et non une cocotte, une pigne, une sapinette ou un babet. Nous partageons aussi la façon de prononcer persil en faisant entendre le « l » final, poulet avec un accent grave (et non poulé), à distinguer brin et brun.
Le livre passe également en revue des mots propres à chaque région.
Les mots du Grand Est
Pour le Grand Est, nous avons des mots qui débordent vers ce qui est maintenant la Bourgogne Franche-Comté avec sa partie utile : le Territoire de Belfort.
On peut ainsi entendre à Belfort comme dans le Haut-Rhin des mots comme Schluck pour gorgée, ou Schlappa pour savates (je l’avoue, j’ai contribué modestement à son introduction dans mon propre foyer…) ou des expressions comme comme dit.
Certains mots me sont, par contre, inconnus : c’est le cas de trisser (éclabousser), dont l’épicentre se situe dans les Vosges, avec des ramifications jusqu’en Alsace et dans le Territoire ou clairer pour éclairer, utilisé surtout en Haute-Saône et une partie du Doubs.
Ces résultats ont été obtenus à partir de sondages réalisés sur Internet avec, pour chaque carte, des réponses de groupes comptant entre 7 000 et 12 000 internautes. On constate que les « frontières » linguistiques ne sont pas étanches, que l’on peut avoir adopté un usage qui n’est pas propre à notre région d’origine. J’ai ainsi tendance à parler d’un crayon à papier et non d’un crayon de papier comme cela se fait en général dans l’est de la France.
Des mots à importer
Il y a aussi des mots qu’il ne me déplairait pas d’importer dans ma région : la ramassette belge est tellement plus jolie que la pelle-à-balai et il est délicieusement suranné de ranger ses bagages dans la malle plutôt que dans le coffre de la voiture (sud-ouest).
Et puis saviez-vous qu’en Belgique on utilise un clignoteur et en Suisse un signofile ou une flèche à la place d’un clignotant ?
Bref, le français de nos régions et des pays voisins nous offre d’infinies richesses, que vous pouvez explorer sur le blog de Mathieu Avanzi. A moins que vous ne préfériez carrément participer aux enquêtes !

Pour en savoir plus
Atlas du français de nos régions, Mathieu Avanzi, éditions Armand Colin, 15,90 €
Site web francais de nos régions et sa page Facebook

Un ancien article de mon blogue : Des bienfaits de la fusion des régions